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Paris

La Parisienne sous toutes les coutures

L’allure de la Parisienne reste un sujet de conversation intarissable. Si aujourd’hui, son look ressemble davantage à celui de la bobo nonchalante de la Rive droite, qu’est-ce qui la définit vraiment? Il paraît surprenant que son image soit autant une source d’interrogation en soi. Car si on a tendance à la comparer sans cesse à la New-Yorkaise, pour mieux la différencier, ce phénomène est devenu étonnant de par sa longévité, et c’est surtout à l’étranger que son aura paraît briller depuis des lustres. Ce drôle d’oiseau fascine tant les Anglo-Qaxon(ne)s qu’une trentaine de best-sellers ont été publiés ces dernières années sur le sujet, d’après le Times. Même les Frenchies se mettent à la langue de Shakespeare, car pour la branchitude, ça aide. Tout cela en dépit du fait que nous n’avons pas vraiment de “rivale” stylée qui tienne la route face à la cultissime Carrie Bradshaw (Sex and the City) par exemple. Bien sûr, Charlotte Gainsbourg et Inès de la Fressange maintiennent leur statut d’icônes indéboulonnables, et l’ouvrage de cette dernière sur le sujet paru en 2010 reste une référence, mais aucun nouveau visage ne semble avoir autant de personnalité que celui de ces deux femmes si représentatives chacune de leur époque. Le fantasme de la Parisienne à qui l’on veut tant ressembler ne serait finalement qu’un concept glamour servant l’image de la France ? En tout cas, le potentiel reste grandement vendeur et toujours exploitable du côté des bloggeuses également, il suffit de googler “Parisienne” pour s’en rendre compte. À y bien réfléchir, le premier mot qui viendrait pour la décrire serait “snob”. Comme la plupart des petits travers de cet animal légendaire. Elle aime fumer en terrasse, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, déteste le métro mais le prend quand même, ne prend plus le taxi, mais compile toutes les applis de chauffeurs privés sur son smartphone. Elle préfère les baignoires aux douches, son salon ressemble furieusement à une brocante, sa bougie préférée reste la Dyptique Figuier, elle aime profiter de l’happy hour pour prendre une coupe de champagne au bar du coin, elle aime les chats. Elle a surtout du style, le sien, tout en sobriété, comme si savoir s’habiller était comme respirer, normal quoi.

Un look très midinette

Le raffinement de la Parisienne ne date pas d’hier. Pour Alexandra Bosc, conservateur et historienne de la mode au musée Galliera, « le mythe a démarré au XVIIe siècle où une forte différence dans l’imaginaire apparaît entre les provinciaux considérés comme rustres et les parisiens vus comme fins et délicats. Son incarnation atteint des sommets à la Belle Époque, vers 1830. Mais attention, on pense déjà que toutes les femmes qui vivent à Paris ne sont pas forcément de “vraies” Parisiennes, et ce ne pas parce qu’on est riche qu’on l’est également. Il faut avoir ce don pour l’élégance, le bon goût et la retenue qu’on oppose régulièrement aux Américaines. Au XIXe siècle, ce sont les “midinettes”, ces ouvrières des maisons de couture qui sortaient à midi pour aller déjeuner (d’où le surnom) et que les hommes attendaient espérant un regard, qui représentent le mieux ce style et cette distinction. » Dans la littérature de l’époque, on retrouve la duchesse de Guermantes, personnage du célèbre roman de Marcel Proust, À la recherche du temps perdu. Le narrateur est transporté par sa beauté et son élégance. L’écrivain s’est inspiré de plusieurs modèles pour ce personnage, dont la fameuse comtesse Greffulhe qui était pourtant belge, comme quoi… Ce mythe a réussi à traverser les siècles car Paris est toujours la capitale de la mode, résume Alexandra Bosc. Il y a le style Chanel avec sa modernité, sa sobriété et son chic qui signa l’allure de la parisienne du XXe siècle, tout comme Yves Saint Laurent et son audace libérant également le corps de la femme. Dans l’imagerie collective, il ne faut pas oublier les Parisiennes du dessinateur Kiraz apparues dans les années 60 et qui deviendront cultes, faisant le succès du magazine Jours de France : un rendez-vous très attendu par les lecteurs. Des silhouettes de lianes terriblement reconnaissables avec leurs yeux en amande, leurs jambes interminables, portant des jupes très courtes, sexy, drôles et faussement ingénues. Larousse vient de sortir un album retraçant soixante-dix ans de carrière de Kiraz, de ses débuts aux années 2000, montrant que les fameuses Parisiennes ont été l’œuvre de sae vie. En préface, Christian Lacroix rend hommage au dessinateur qui finalement, par ses traits et son sens de la couleur, inspira également la planète mode.

La Parisienne vue par…

Patrick Chelli, La Parisienne. (c) Patrick Chelli, courtesy de l’artiste et galerie ArtCube.

Tant de photographes ont contribué à façonner son mythe. Avec Robert Doisneau, dans le Paris des années 50, c’est par exemple une Bettina Grazziani à la grâce absolue, premier mannequin star et égérie des grands couturiers de l’époque. Avec Willy Ronis, en grand amoureux de Paris également, c’est l’image d’une femme libre en pull et pantalon noir, enfourchant un vélo dans le quartier du Panthéon. À la galerie Artcube nichée en plein cœur de Saint-Germain, débute une exposition dédiée à cette femme dont l’image est forcément multiple. Trois regards différents en noir et blanc posés sur la Parisienne d’aujourd’hui, et qui se complètent étonnamment. Patrick Chelli s’est concentré sur les jambes et les talons hauts, l’allure glamour des mannequins sortant d’un défilé, celle plus nature d’une femme prenant le soleil sur les quais ou encore celle prise sur le vif, surprise par l’aération d’une bouche de métro, le grand classique de la jupe qui soudain se soulève ! Sylvia Galmot expose actuellement et en parallèle ses mêmes clichés de Parisiennes à New York. Pour la photographe, « c’est la femme chic, sobre, intelligente, cultivée, moderne. Pas la BCBG du 16e ! Elle aime sortir, faire la fête. Elle dégage quelque chose qui donne envie à toutes les femmes ». C’est une jeune fille perdue dans ses pensées à la terrasse du Flore. C’est Irène Jacob sautillant en baskets sur les toits de son immeuble. Une autre regardant à travers la fenêtre de chez elle, avec la tour Eiffel en arrière-plan. Pour Daniel Waks, la Parisienne n’hésite pas à se mettre en maillot deux-pièces pour prendre le soleil à Paris Plages, elle fait du vélo au jardin des Tuileries ou porte une robe laissant entrevoir discrètement un sein. Elle peut aussi se la jouer guinguette rétro en bibi et talons compensés à une terrasse de café. On regarde ces clichés en se disant qu’on a forcément croisé ces attitudes quelque part dans la vraie vie, même si, ici, elles sont sublimées. Si la Parisienne demeure toujours aussi difficile à définir, finalement, c’est peut-être cela qui fait son charme, ce je-ne-sais-quoi de terriblement séduisant…

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