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Paris

Peut-on vraiment aimer les immeubles haussmanniens ?

Que serait Paris sans ses immeubles au style dit « haussmannien » ? Rien, assurément. A moins que… Bien que partie intégrante de son ADN, cette architecture si parisienne ne convainc pas tout le monde. Retour sur cet imaginaire fait de pierres et de balcons. 

« Anti-Haussmann »

« IMGP1053 » par Greg (Flickr Commons)

C’est une histoire qui nous renvoie au Second Empire. Dans cette époque marquée par l’ascension de la haute-bourgeoisie, les travaux supervisés par le Baron Haussmann ont pour but de densifier Paris. Réorganiser l’espace public en acheminant le tout-à-l’égout, mais aussi installer le gaz et électricité à tous les étages des nouveaux immeubles au style dit « haussmannien » : balcons filants, belles façades unifiées, fenêtres joliment ornées. Au gré des boulevards et axes flambants-neufs de ce néo-Paris s’esquisse « la volonté de maintenir l’ordre dans les rues » note l’architecte Olivier Leclerc. L’architecture haussmannienne n’est pas révolutionnaire par son style, mais par ce qu’elle induit : fluidifier le centre de la capitale. Haussmann souhaite un « Paris agrandi, embelli, assaini », d’où émane un sentiment de modernité. Son mot d’ordre est celui d’une « politique d’assainissement, permettant à la ville de Paris de s’ouvrir et de bénéficier d’une circulation plus limpide, qui profite à tout le monde » détaille l’architecte du patrimoine Maud Brigot. Mais bien des années plus tard, n’a-t-on pas le droit d’être un brin lassé à la vue de ces séries d’immeubles tous identiques ?

C’est par exemple le cas de Marc Charon, graphiste de trente-trois ans résidant dans l’Essonne. Pour y avoir travaillé, il connaît bien le quinzième arrondissement, et avec lui son lot d’immeubles haussmanniens. Rigolard, il confesse volontiers son « anti-Hausmannisme ». Sans être un hater, le francilien s’étonne du fait que ce style Art Nouveau « semble satisfaire tout le monde« , et ce malgré « les défauts ergonomiques » de ces immeubles d’époque : « l’humidité, le bruit du voisinage, la luminosité réelle faible aux premiers étages, la vétusté des installations électriques « . Comment expliquer alors le regard admiratif que l’on porte à ces vestiges imposants ? Par un excès de naïveté un peu romantique, certainement. Un fort « effet carte-postale » selon le trentenaire, qui confère à cette tradition architecturale un aspect rassurant « à la Disneyland Paris, style  « living the Paris dream » », s’amuse-t-il. Une patine so chic « à la parisienne », qui fait que « l’extérieur valide la bordel intérieur« . A ses yeux, ce fantasme-là est daté et « il est grand temps de faire un Neo Haussmann » suppose-t-il.

Paris en péril ?

En vérité, l’effet-Haussmann a toujours causé la polémique. A l’époque déjà, nous apprend RetroNews, la presse disait de ces innovations urbanistes qu’elles vouaient ses résident.e.s à un « Paris cher », « un Paris laid ». Tous ces immeubles provoquent en nous des émotions contrastées. S’ils ravissent le regard par leur ornements, difficile de s’extasier face à leur caractère répétitif et impersonnel.  Si cette logique sérielle renvoie sur le papier « l’image d’une ville unifiée et cohérente » observe l’architecte du patrimoine Maud Brigot, il n’est pas difficile de la prendre en grippe. C’est le cas de Marcelle Ratafia. Selon cette spécialiste de l’argot et de l’histoire de Paris, en le transformant de fond en comble, le style haussmannien a fait du mal à l’âme de Paris, c’est à dire à « ses villages » et à ses vieilles habitations, rasées durant ces grands travaux. Le Paris iconique aujourd’hui n’est-il que l’ombre de celui d’hier ?

L’autrice, qui aime « voir l’histoire par la fiction » suggère que cette standardisation architecturale a appauvri la richesse d’une ville jadis très romanesque. C’en est fini du Paname de Notre-Dame de Paris et des Mystères de Paris, autant de récits captivants « qui narrent les anciens quartiers et rues du cœur de la capitale », hélas démantelés suite à ces changements. Sans crainte des mots, Marcelle Ratafia voit en l’apogée des immeubles haussmanniens « tout un processus de gentrification, à l’instar de celui que l’on observe aujourd’hui au gré des arrondissements« . D’autant plus que cette évolution va de pair avec une certaine violence sociale. A l’époque, l’on dit  d’Haussmann qu’il bâtit « un Paris dont on exclut les petites gens ». Un fait constaté par Maud Brigot, qui nous rappelle que « les bâtiments haussmanniens ont été réalisés en marquant les différences sociales par l’architecture : les étages sont réservés aux bourgeois et les moins riches ont droit aux chambres de bonnes« .

« Des idées audacieuses »

Terrasse panoramique @ Le Printemps Haussmann @ Paris par Guilhem Vellut (Flickr Commons)

Aux yeux de Marcelle Ratafia, ces immeubles-là ne sont finalement que les signes avant-coureurs d’une capitale qui, en évoluant, perd une partie considérable de son identité. L’autrice redoute ainsi l’arrivée des futurs Haussmann en la personne des « gros lobbys immobiliers qui achètent des terrains entiers et modèlent un quartier sans avoir conscience de sa dimension affective, son histoire intrinsèque et les raisons pour lesquelles l’on désire y habiter : les petites rues, les montées, les descentes, les ruptures de rythme« . Mais faut-il pour autant condamner cette uniformisation haussmannienne ? Pas forcément.

Car envisager cette standardisation confortable des immeubles, c’est aussi la nuancer. Considérer, comme l’admet l’autrice, que ce style reste encore aujourd’hui « un concentré de savoir-faire et d’artisanat incontestable« . Mais aussi que ce style n’est pas si dépourvu d’identité. L’architecte Olivier Leclerc insiste d’ailleurs sur l’intérêt du tissu haussmannien. « La qualité écologique de ses façades en pierre, sa densité, sa hauteur sur plafond, son côté multi-usages – ses espaces convenant aussi bien aux logements individuels qu’aux bureaux – mais aussi ses sommets en pointe et ses angles stylisés, tout en variantes, ses fioritures, ses fenêtres qui débordent… autant d’idées bien plus fantaisistes et audacieuses qu’il n’y paraît ! » énumère le spécialiste. Difficile de détester cette imagerie qui, malgré tout, rime avec Paris.

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